décembre 2008

☽☽ The trauma said, ‘Don’t write these poems. Nobody wants to hear you cry about the grief inside your bones. ☾☾

Je ne sais plus trop comment on fait pour marcher. Mais je suis persuadée que la poudre ingurgitée y est pour rien. Pour cette fois ci, c'est une autre transe, certainement plus forte, plus meurtrière aussi. La poudre a un arrière-goût aphrodisiaque, reposant. Mais j'ai la sensation qu'on vient de me réveiller brutalement. Non, pire que brutalement. Il n'y a pas de mots pour décrire le terme correct. Je n'en ai pas qui vient, moi qui pourtant trouve toujours de quoi parler. Ma gorge est nouée, je déambule dans la rue avec difficulté, mes pieds nus frottant contre le bitume sans que j'y prête attention. J'y suis habituée, à cette sensation. Mais pas à celle qui me hante et m'envahit, telle un poison. Un choc étranger, inconnu, dérangeant qui me donne envie de vomir. Peut-être que ça enlèvera la drogue mais ce n'est pas ce dont je veux me défaire. Au contraire, je peste parce que la drogue n'a pas eu l'effet voulu, le résultat dont on s'attend. Je n'aurai rien dû sentir, je ne devrai rien ressentir et pourtant, c'est tout le contraire. Ça brûle, ça gratte, ça s'enflamme. Être effrayée prendre tout son sens, je comprends l'ampleur de sa définition. J'ai été dans ma bulle réconfortante pendant tant d'années, choyée, traitée en princesse originale, que même les attaques mesquines de mes camarades coulaient comme de l'eau sur moi. J'avais fini par m'habituer, par accepter et embrasser que je sois différente, que ma famille soit atypique, dénotant avec le reste de la société.
Mais cette différence qui s'opère quelque part en moi, je ne l'aime pas. J'ai envie de me foutre dans un coin, de me terrer pour être oubliée et m'oublier moi-même. Se gratter au sang pour espérer que ça s'évacue, appuyer dessus pour que ça se tasse. Sûrement que ça finira par le faire mais pour l'instant, j'ai le cœur au bord des lèvres. Je finis par évacuer mes entrailles dans la première poubelle que je croise, les jambes qui tremblent encore plus fort et les larmes qui sortent malgré la retenue que j'essaie de m'imposer.

Je n’y arrive pas malgré mes efforts et je me maudis pour ça. Je maudis cette putain de douleur, je déteste de voir que le monde continue à avancer, à tourner sans accro alors que moi, je viens de subir le pire des chamboulements. Un crime et pourtant, mes pas ne m'amènent pas vers le centre des flics. Je n'y songe qu'à peine, bien trop secouée et déboussolée. Pourquoi tout le monde continue à faire leurs vies alors que d'autres souffrent ? Pourquoi on ne peut pas voir le mal être des autres, pourquoi on ne peut pas les aider, pourquoi est-ce qu'on est seul dans cette foutue désolation ? Je hais que le monde ne prend pas connaissance de tout ça, de la gamine qui se tapie dans son coin, au milieu des poubelles et des rats.

J'ai peur qu'il me retrouve, qu'il veuille continuer, qu'il juge qu'il n'a pas eu le temps d'en profiter. En 10 minutes, j'ai vu ma vie et ma voix s'envoler. Mon innocence sur l'humanité aussi. Ainsi que ma confiance. Tout ce que j'ai pensé et espéré pour le monde, le grand, le beau, l'idéalisé, tout s'est effondré. Je sers mes jambes entre mes bras, contre moi, avec l'objectif de fusionner avec moi-même pour ne devenir qu'un bloc de chair et d'os sans âme.

Pourquoi la drogue ne fonctionne pas quand il aurait fallu ? Est-ce que Joseph m'aurait donné de la merde ? Ça ne lui ressemble pas. Je masse furieusement mon front pour ôter son regard perçant de ma vision car il n'y est pour rien - mais pour beaucoup quand même. Ce n'est pas lui le coupable mais il n'a rien fait. J'avais confiance en lui, un peu trop sûrement. Mais il n’était pas comme les autres, il n'était pas flippant ou morbide ou de mauvaise intention. Un œil trop candide comme le mien s'est laissé foutrement berné. Je me sens tellement conne.

Je me laisse croupir dans ma solitude, moi qui n'aime pas ça. Je pourrai appeler quelqu'un, n'importe qui. Mais je m'y refuse. Tout simplement parce que j'ai trop honte, noyée dans une flopée d’humiliation que je ne veux pas imposer à autrui. Certainement pas à mes proches. Et parce que j'ai encore un semblant d'amour propre qui me freine à m'étaler de la sorte en public. Je peux exhiber ma folie, répandre mon optimiste, accroire mes idées loufoques mais jamais, jamais on ne saura pour ça. C’est entre eux et moi seulement. Ils ont sûrement déjà oublié. Ils sont passés à autre chose, eux. Lui. Je rentre mes ongles dans ma peau à défaut de me gratter. Si la drogue n’aboutit pas aux effets voulus, est–ce que la douleur corporelle pourrait être une bonne distraction de mes pensées, de ces images qui ne cessent de revenir tout en étant impossible à recadrer correctement ?

Faites que ça s’arrête, s’il vous plait, n’importe quoi, achevez–moi.

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