▬ Pourquoi t'as les ch'veux longs ?
▬ Parce que chui une fille.
▬ Pourquoi t'as une poupée ?
▬ Parce que chui une fille.
▬ Pourquoi t'es toute seule ?
▬ Parce que chui une fille.
▬ Viens, on va jouer tous les deux. Ai pas peur des filles, moi.
Le petit garçon prit la main de la fillette, qui se leva instantanément à ce contact humain dont elle n'avait pas l'habitude. Elle était la fille au regard terne, le visage pâle et les cheveux bruns terriblement foncés. Elle aurait aimé naitre comme Anika. Anika, elle était blonde, bouclée au regard bleu ciel qui les faisait tous craquer. Elle avait des petites tâches de rousseurs sur les joues et elle souriait tout le temps. Elizabeth avait l'impression d'être différente des autres. Elle était exclue, elle se sentait mal, elle voulait rentrer chez elle. Elle voulait être avec papa et maman. Pas ici, avec des gens de son âge qui ne l'acceptaient pas. Et pourtant, ce garçon l'avait prise par la main et l'entrainait vers le box des vélos, trottinettes et autres engins à roue.
▬ T'en as déjà fait ?
▬ Nan.
▬ Pourquoi ? elle haussa les épaules. Viens, j'vais te montrer.
Et ce fut autour d'une discussion et bonne rigolade que Dakota Wayhne s'incrusta sans crier garde dans la vie d'Elizabeth Potter.
▬ Notre princesse ne s'étoufferait-elle pas ?
▬ La ferme, Johnny.
Effectivement, Lizzie était mal. A vouloir faire la maligne, la voilà qui toussait grandement avec un air de dégout au visage tout en éloignant sa main de sa bouche. Quelle conne elle avait été d'avoir eut cette envie de leur fermer leur clapet, à eux trois, autant qu'ils sont. La demoiselle de quatorze ans et quelques mois secoua son autre main devant son nez et sa bouche alors que les garçons avaient un sourire mi-amusé, mi-moqueur accroché à leurs visages. John avait cependant lâché un juron à voix basse, qui fit rire Dakota qui se trouvait à proximité de lui, quand elle l'appela par son prénom en entier. Elizabeth savait qu'il avait horreur qu'on lui rappelle cette tâche qu'était son prénom entier. Aaron, quant à lui, il s'était rapproché de la jeune fille, qui s'était mise dos à eux et tentait une nouvelle bouffée. Il lui agrippa une hanche avant de vouloir attraper le joint, chose qu'il ne put faire puisque Lizzie tourna un peu plus pour que l'objet de ses convoitises ne soit plus à sa portée. Mais Aaron tient bon et la plaqua un peu plus contre lui.
▬ Tu peux pas me lâcher, ste plait, Aaron ?
▬ Je peux bien volontiers mais est-ce que je veux ?
▬ Tu me soules avec tes réflexions philosophiques.
▬ Et toi, t'es horripilante à vouloir faire tout comme une grande alors que t'es qu'une petite chose frêle et fragile.
▬ Hey, fais gaffe, Aaron, elle en a sous le moteur !
▬ Petite chose frêle et fragile ? Vraiment ?
▬ Vraiment.
Lizzie s'était retournée et faisait office d'un affront frontal et visuel avec Aaron, chacun bien décidé à avoir le dernier mot. Ils ne se regardaient pas en chien de faïence mais plutôt de façon charmeuse et taquine, comme pour inciter l'autre à lâcher prise et abandonner la partie. Mais par pure provocation, la jeune fille remit le joint entre ses lèvres et tira une bouffée, qu'elle envoya du mieux qu'elle pouvait à la tête d'Aaron. Profitant du fait que ce dernier, ne s'y attendant pas, eut un mouvement de recul et relâcha un peu la pression, Elizabeth s'échappa de ses mains pour monter quatre à quatre le filet pour rejoindre le sommet du jeu à toboggan.
▬ L'avantage d'être une petite chose frêle et fragile, c'est qu'on peut aller où on veut. Malheureusement pour vous, vous êtes trop gros pour monter jusqu'ici !
Elle les narguait. Elle en haut, eux en bas et la tête levé, elle les narguait. Les trois garçons se jetèrent ensuite un regard ; certainement qu'ils devaient déplore le manque certain de maturité de leur amie, qui passait son temps à leur rappeler qu'une fille était aussi douée qu'un mec et ce, dans n'importe quel domaine.
▬ ELIZABETH, DESCENDS ICI DE SUITE !
▬ Et merde ...
Lizzie descendit les marches quatre à quatre après avoir balancé ses fringues dans la corbeille. Elle passa la main dans ses cheveux bruns, qui encadraient agréablement son visage poupon qui murissait un peu plus alors qu'elle prenait de l'âge. Sa mère l'attendait dans le vestibule, l'air relativement énervé, comme si quelque chose la chiffonnait. Mais alors qui la chiffonnait énormément puisque Lizzie sentait qu'elle serait morte sur place si les yeux de sa génitrice pouvait lancer des éclairs. Que c'était beau, l'instinct maternel. La jeune fille finit par descendre les dernières marches d'un geste mou, baissant les yeux devant le regard appuyé et sévère de sa mère.
▬ Je crois qu'une discussion va s'imposer, jeune fille. Qu'est-ce que s'est ? elle brandit un paquet de tabac et Lizzie croisa les bras, l'air peu soucieux.
▬ Ça ? C'est juste... Bah, c'est l'herbe, quoi.
▬ Et je peux savoir depuis combien de temps tu fumes ?
▬ Oh non, vaut mieux pas que je te...
▬ Elizabeth, dis moi tout de suite depuis combien de temps ! cette dernière soupira avant de lever les yeux au ciel.
▬ Chai pas, peut-être un an, plus, moins...
▬ Un an ? Bon sang, Beth, tu n'as que seize ans ! Tu te fiches de moi ? C'est ta mauvaise passe d'adolescente, c'est ça ? Tu n'es pas bien dans ta peau, dans ta tête, dans la famille, avec tes amis ?
▬ C'est pas ça, 'man, mais c'est que...
▬ Il y a bien dût y avoir une raison, non ? Je suis sûre que c'est à cause de ces garçons. Dakota n'est plus le petit garçon propre que j'ai connu. Et les deux autres, Aaron et Jeremy...
▬ C'est John, maman. Et je t'interdis de les mettre en cause ! Ils n'y sont pour rien ! Au contraire, au moins, avec eux, je respire ! Tandis qu'ici, j'ai l'impression d'étouffer ! Tu me soules avec tes questions, tu me fais chier et tu me gonfles !
▬ Tu me parles sur un autre ton ! Et reviens ici, on en a pas fini ! une porte en provenance de l'étage claqua alors que la mère continuait à regarder la cage d'escalier. Tu es privée de sorties jusqu'à nouvel ordre ! Et je vais en parler à ton père, on va voir s'il sera aussi indulgent que moi ! si seulement tu savais, maman...
▬ PUTIN, les gars, sérieux, vous êtes chiants !
Elizabeth n'était pas une fille qui se souciait forcément de son apparence. Mais là, c'était un des pires coups que ces trois meilleurs amis ne lui avait jamais fait. Réveillée sur le sofa de la maison de John, du popcorn, des dvds, des disques et des bouteilles trainant sur le sol et les meubles, Lizzie eut la mauvaise surprise de découvrir quelque chose de collant dans ses cheveux. Un truc collant qui avait eut le temps de sécher un peu. La jeune fille se relève de son buste, la main toujours dans sa chevelure, le visage crispé, alors qu'elle venait de gueuler à travers la maison, malgré sa solitude persistante dans la pièce.
▬ LES MECS !
▬ Oh, mais c'est qu'elle hurle comme pas possible, la fille, là.
▬ Hey, p'tit Dakie, t'as intérêt à me dire illico presto c'est quoi ce truc.
▬ Ma belle, c'est Aaron qui a eut l'idée.
▬ Ouais mais c'est John qui a appliqué.
▬ Moi, j'ai juste fournis.
▬ DU CHEWING-GUM ! Vous avez foutu du CHEWING-GUM dans mes cheveux ! J'vais vous tuer ! Bande d'idiots, d'abrutis, de débiles, bordel !
Lizzie s'était levée et avait mit ses cheveux en avant pour pouvoir mieux les observer alors que John, Dakota et Aaron entraient progressivement de la pièce. Ils avaient souvent l'habitude de se réunir chez l'un, un samedi soir, pour passer en revue tous les dvds que chacun avait. Et pourtant, c'était limite si on croyait pas qu'il y avait eut une énorme fête quand on voit le bazar qu'ils pouvaient fournir à eux quatre. Elizabeth les foudroya du regard avant de filer dans la salle de bain, où John la suivit. Alors qu'elle observait les dégâts avec une moue insatisfaite, le jeune homme s'accouda à l'embrasure en croisant les bras, l'air calme et souriant au visage.
▬ Pourquoi tu souris ? Tu trouves ça drôle, peut-être ?
▬ Très, si tu veux mon avis.
▬ Merci, John, ta compassion me va droit au cœur.
▬ Mais c'est que du chewing-gum, princesse. nom d'un petit bonhomme, ils ne cesseront donc jamais de souligner l'origine de son prénom, ou quoi ? Lizzie serra les dents avant de se tourner vers lui.
▬ T'as des ciseaux ?
▬ Pourquoi faire ?
▬ Peut-être que vous l'ignoriez mais le chewing-gum est limite impossible à enlever. Alors ramène-moi des ciseaux.
▬ Tu veux nous ressembler, maintenant ?
▬ JOHNNY ! ce dernier partit dans un rire avant de revenir quelques minutes plus tard, avec des ciseaux et les deux autres.
▬ Lizzie, t'es sérieuse ?
▬ Elle a pas l'air de rigoler, en tout cas.
La jeune fille les ignora royalement après avoir prit, ou plutôt arraché, les ciseaux des doigts de John, qui resta silencieux. On aurait dit un évènement incontournable. Ou peut-être que ce n'était que pour voir le résultat de leur petite blague qu'ils voulaient y assister. Et puis, ils la mettaient limite en défi à la regarder de la sorte, de façon appuyée et malicieuse. S'observant dans la glace, Elizabeth empoigna la partie foutue, tenta un ultime geste de retrait, sans espoir, avant de passer le coup de ciseaux. Une masse de cheveux retomba dans sa main et la demoiselle se retrouvait avec les cheveux courts. Pour sûr que sa mère allait s'énerver. Aussi sûr que les trois garçons baisseront encore plus dans son estime. Dakota s'était mis à pouffer de rire alors que les deux autres regardaient le visage poupon de leur amie, qui abandonna les ciseaux sur le lavabo. Elle passa à leurs côtés, tout en fourrant les cheveux à Aaron.
▬ Gardes ça en souvenirs de votre magnifique blague.
▬ Mademoiselle Potter, nous ne pouvons pas continuer comme cela. Vous avez une nouvelle fois provoquer la zizanie durant le cours de français appliqué, dérogeant ainsi à la charte que vous avez signé et dont vous avez promis de respecter. Vous savez ce que vous encourez ? la concernée ne répondit pas, gardant une moue lasse. Le renvoi, mademoiselle. Le renvoi est à votre porte.
▬ Nous ne pouvons pas trouver un arrangement ?
▬ Madame, votre fille n'est pas un élément prometteur pour notre établissement. Nous ne pouvons pas la garder. Je suis désolée mais elle perturbe les cours. Et encore, quand elle s'y présente.
▬ Je comprends parfaitement. Mais peut-être qu'Elizabeth pourrait faire un effort, n'est-ce pas ma chérie ? cette dernière haussa les épaules, toujours l'air désintéressé.
▬ Je suis désolée. Mademoiselle Potter savait exactement ce qu'elle risquait au signal d'un nouveau débordement. Malheureusement, elle n'y a pas tenu compte. Nous ne pouvons pas la garder.
Quelques minutes plus tard, mère et fille sortaient du bureau de la directrice de l'université. Elizabeth était bien connue pour ne pas être un enfant de cœur. Durant son adolescence, sa mère avait mit ceci sur le compte de sa crise. Comme si le simple fait de mettre un nom sur cette période rebelle suffisait à lui alléger l'esprit. Son père n'avait, Ô étrange, pas pu se libérer pour ce rendez-vous, puisqu'il avait une assemblée générale d'une quelconque entreprise où il est actionnaire. Sa fille avait juste l'impression qu'il passait son temps à être en AG. Il tenait aussi un concessionnaire automobile en centre-ville de Miami et avait réussi à faire sa petite réputation. C'était donc sa mère, une nouvelle fois, qui devait prendre les choses en main. Et autant dire qu'elle n'était pas excessivement fière de sa progéniture. Mais comment pouvait-elle lui en vouloir ? Voilà deux ans que Lizzie était inscrite en faculté et la voilà renvoyée. Sa mère ne doutait pas l'origine de ce malaise qui persistait et rendait la jeune fille encore plus mauvaise. Cet accident avait foutu la vie de quatre personnes. Sa mère avait fini par ne plus voir les amis de Lizzie d'un bon œil, jugés de mauvaise fréquentation. Dakota, par exemple. Quand ils étaient enfants, madame Potter adorait ce petit. Il a été le premier à tendre la main vers sa fille. Mais au fil du temps, il a grandit. Et rencontré Aaron. Puis ce John. Et entrainé Lizzie avec lui. Comme dans cet accident. Madame Potter soutenait que c'était lui le responsable de l'accident, puisqu'il était au volant. Mais elle n'abordait pas le sujet avec sa fille. Elle savait que c'était un sujet sensible. Leur relation n'a pas toujours été très tendre mais la mère essayait d'aider du mieux qu'elle pouvait sa progéniture. Le trajet entre l'université et le quartier fut fait en silence, l'une n'osant pas froisser l'autre, qui regardait d'un air absent le paysage. Devenir professeur de français, c'était un de ses choix. Son projet d'avenir. Son gagne-pain. Mais maintenant, à leur actuel, la voilà comme une vagabonde qui n'a plus rien à faire. Ses frasques, ses prises de tête, ses hurlements, ses jurons, personne n'avait le moral de les supporter. Personne sauf eux. Par bonheur, Dakota était toujours dans le coin. Il a été la seule et unique personne a l'avoir vu pleurer. Tuée par le coma des deux autres, affaiblie, attristée, seul le jeune Wayhne avait été apte à recueillir ses larmes. Leur relation s'était dégradée mais il semblerait que, lors de ce genre d'instants, la rancœur n'avait plus de place. Et même si elle avait été blessé par ce qu'il lui avait dit, elle ne pouvait pas jouer les insensibles alors qu'ils étaient tous les deux dans la même merde.
▬ Beth, il faut que tu te reprennes. Qu'est-ce que tu vas faire, maintenant ?
▬ Chai pas. sa mère soupira. J'vais voir Dakota.
▬ Mais...
▬ A plus tard, 'man. la jeune fille de vingt ans sortit de la voiture avant de claquer la porte et de se diriger vers la maison de son ami. elle en avait terriblement besoin. shit, elle avait terriblement envie de s'en rouler une, aussi.
▬ Joyeux anniversaire, princesse.
Lizzie leva les yeux vers Dakota, qui se tenait devant elle, l'air souriant et lui tendant quelque chose. Elle dirigea son regard vers ce qu'il avait sur les mains et fut surprise. Une adorable petite boule de poil se tenait. Elle ne faisait même pas la largeur des deux mains réunies du jeune homme et semblait être paisiblement installée. Elle se releva des marches du perron tout en s'approchant un peu plus.
▬ Dakie, c'est quoi ça ?
▬ C'est ce qu'on appelle un lapin nain. Je peux le ramener, si tu le veux pas.
▬ Non mais ça va pas ?! Il est magnifique. Bon sang, Dakie, fallait pas.
▬ On a pas tous les jours vingt-et-un ans.
La jeune femme prit le petit animal d'un geste soigneux et un oeil attendrissant que même Dakota fut surpris de voir. C'était comme s'il la voyait pour la première comme cela. Ce qui était le cas. Lizzie n'est pas le genre de fille qui s'extasie ou qui s'exprime forcément à travers leur visage. Et les seules choses que l'on pouvait sentir à son égart, c'était de la froideur, de la nonchalance ou de la dureté. Ce qui contrastait joliment avec le visage angélique qu'elle avait.
▬ Ripitchi. Il s'appelera Ripitchi.
▬ Original.
▬ C'est de Lewis. Normalement, c'est pour une souris mais bon. elle s'approcha de lui et le prit dans un de ses bras, l'autre tenant l'animal. Merci, little Dakie.